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01.10.2025
01.10.2025Vincent Musolino , Animation ateliers, Entreprise Égalité

Le « slashing » : une opportunité pour attirer et fidéliser les talents ?

Le slashing, une réponse possible à l’évolution rapide des mœurs professionnelles

Se présenter lors d’un dîner ou d’un évènement de networking dans une société traditionnellement marquée par les parcours simples (un seul métier, un petit nombre d’entreprises, etc.) relève parfois du défi pour les adeptes du slashing. Ces personnes voient leur vie professionnelle s'organiser non en une seule ligne de progression, mais en une mosaïque d’activités. Comment alors dire qui l’on est ? Faut-il énumérer chaque casquette, respecter la chronologie ou intégrer des éléments plus personnels comme des hobbies ? Le slashing invite à dépasser les normes habituelles de présentation, à dévoiler les facettes qui composent notre identité professionnelle et personnelle. Dans cette démarche, chaque activité joue un rôle, résonnant parfois bien au-delà du simple parcours professionnel, pour témoigner d’une authenticité et d’une diversité de savoir-faire. 
 

Le terme « slashing » a quant à lui une histoire ancrée dans les années 2000, notamment dans les milieux anglo-saxons où il a désigné cette tendance à cumuler des activités professionnelles. C’est Marci Alboher dans son livre One Person/Multiple Careers qui le mentionne la première en 2007. Ce phénomène a d’abord illustré l’évolution vers une économie post-industrielle, dans laquelle les parcours professionnels ne sont plus linéaires, mais adaptés aux besoins d’un marché en mutation rapide. Cette appellation moderne de « slasheur / slasheuse » s’inscrit alors dans une recherche de polyvalence et de flexibilité. Elle évoque non seulement la pluralité des fonctions exercées par ces individus, mais aussi une proposition aux organisations qui pourraient ainsi valoriser cette capacité à naviguer dans plusieurs domaines. 

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Avec cette multiplicité de rôles, le temps devient une ressource précieuse. Comment alors le gérer ? Certains adoptent une approche où chaque activité occupe une journée spécifique, tandis que d'autres organisent leur emploi du temps en segmentant chaque journée. La gestion du temps est ici centrale, car elle permet d’exploiter au mieux les compétences et de maintenir un équilibre. Cette structuration varie également en fonction des engagements financiers ou émotionnels associés à chaque rôle, obligeant ainsi à une flexibilité accrue pour s’adapter à des situations aussi diverses que les activités elles-mêmes.

La notion de statut est importante, car dans une société valorisant la sécurité de l'emploi, la slasheuse est souvent perçue comme une personne en marge. La question de la légitimité est omniprésente : la personne est-elle compétente, spécialisée, stable ? En adoptant plusieurs activités, elle s’expose au regard parfois sceptique des autres. Toutefois, cette pluralité de rôles commence à trouver écho dans une société qui, lentement mais sûrement, accepte cette nouvelle posture. 

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Dans cette pluralité, le slasheur incarne souvent une figure de polymathe moderne, rappelant les érudits de la Renaissance. À l’instar de ces savants, elle ne se limite pas à un seul domaine d'expertise mais cultive plusieurs savoirs, qu’elle met en synergie pour alimenter sa carrière hybride. Loin d’une simple accumulation, le slashing témoigne de cette approche multidimensionnelle qui répond aux exigences d’un monde où les compétences et les idées circulent librement. La polymathie, autrefois réservée à une élite intellectuelle, devient aujourd’hui une forme de résilience et d’adaptabilité face à la complexité du marché.

Dans ce contexte, le slashing devient également une réponse au décalage qui existe souvent entre notre progression personnelle, rapide, et notre avancement professionnel, plus lent. En choisissant de cumuler des activités, la slasheuse ne dépend plus d’une validation externe pour évoluer ; elle structure son propre parcours, choisit ses opportunités, et élargit ses compétences à son rythme. Ce mode de vie, en quelque sorte, rétablit un équilibre qui répond aux aspirations des individus dans un marché du travail qui peut sembler parfois restrictif. 

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En Suisse, toutefois, certains aspects légaux peuvent freiner cette démarche. Le statut d’indépendant, par exemple, implique des démarches administratives parfois lourdes, et certaines assurances ne reconnaissent pas ces profils atypiques. Il y a aussi des implications fiscales pour les revenus cumulés dans différentes activités. Même si la loi sur le travail (LTr) n’exclut pas la poly-activité, le devoir de fidélité et de diligence (CO Art. 321a et 321e) pourrait être vu comme une limite par certains employeurs. En bref, si le cadre législatif suisse s’adapte peu à peu, il reste encore du chemin à parcourir pour offrir une protection adaptée à ces nouveaux modes de vie professionnels.

Pour beaucoup, le slashing représente également une forme d’échappatoire au stress et à la routine. Là où un travail unique peut parfois être source de lassitude, le slashing propose une alternance d’activités qui stimule l’esprit, permet de renouveler son énergie et de développer ses compétences. Cette diversité aide non seulement à gérer la pression, mais aussi à développer une résilience qui nous aide à affronter les changements fréquents du marché. Un bémol : le slashing demande une bonne organisation personnelle puisqu’il va exiger de combiner des attentes ainsi que des contraintes de temps et d’espace différentes, voire contradictoires. 
 

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Enfin, le slashing trouve un écho dans le concept japonais d’ikigai, cette quête de sens qui repose sur la fusion de ce que l’on aime, ce pour quoi on est payé, ce dont le monde a besoin et ce pour quoi on est doué. Avec plusieurs activités, la personne slasheuse se rapproche de cet équilibre, rendant cohérentes les différentes facettes de sa vie. En explorant ses passions, ses missions, ses vocations et ses compétences, il façonne une vie où chaque rôle, finalement, s’intègre harmonieusement pour offrir une existence plus riche et significative. 

Et pour les entreprises ? Quelques actions simples sont possibles pour promouvoir le slashing :

  • S’intéresser très simplement, tous les jours, à ce qui anime les personnes employées dans l’entreprise
  • Favoriser les occasions d’échange entre les personnes
  • Prendre l’habitude de se présenter avec plusieurs de ses facettes plutôt qu’une seule, et encourager cette pratique
  • Favoriser l’émergence de rôles en complément des postes
  • Poser des questions plus ouvertes sur les divers dons et talents lors du recrutement
  • Poser des questions plus ouvertes lors de l’entretien de fin d’année
  • Avant d’outsourcer une prestation ou un service, regarder en interne si quelqu’un peut répondre à la demande 

Le slashing est bien plus qu’une tendance ; il est une réponse aux transformations sociétales qui redéfinissent notre rapport au travail et à la réalisation de soi. Pour celles et ceux qui osent emprunter cette voie, c’est une invitation à se réinventer, à multiplier les sources d’épanouissement, et à révéler des talents jusque-là peut-être insoupçonnés.